ArtEZ : plurielle et polymorphe

Écrit et illustré par Sophie Cure

Dernière visite d’école de la saison, nous sommes aujourd’hui à Arnhem près de la frontière allemande dans la province de Gueldre. Outre son irréductible réseau de trolleybus – Arnhem est la dernière ville des Pays-Bas à conserver cet hybride – cette bourgade dans l’Est des Pays-Bas compte l’une des grandes écoles d’art hollandaises : ArtEZ.

ArtEZ est une école plurielle, une école à trois pieds : un à Enschede, l’autre à Zwolle et le dernier à Arnhem, sa souche originelle. Célèbre pour son conservatoire de musique et de danse, l’école se revendique pluridisciplinaire : on y apprend à danser, à chanter, à jouer la comédie et à écrire ; on y fait par ailleurs ses armes en design graphique ou en design produit.

Comme le veut la tradition, les étudiants d’Arnhem se sont livrés l’été dernier, comme leurs camarades amstellodamois ou haguenois, à l’exercice de l’exposition. Les travaux présentés sont rigoureux, poétiques pour certains, pragmatiques pour d’autres ; ils montrent une attention particulière au processus et à l’aspect narratif du projet, parfois au détriment du résultat final.

C’est au bout d’une descente escarpée dans un des parcs de la ville que l’on arrive à l’institut d’art ArtEZ, tapi derrière les branchages.



Critical Blocks, une usine, des autoroutes, un HLM en bois : Maykel Roovers joue du décalage entre l’innocence du jouet en bois traditionnel et ces modèles architecturaux, artefacts des modes de production et modes de vie occidentaux d’aujourd’hui.



♦ Le flipper typographique, billes encrées et élastiques pare-chocs. Aux manettes :
Sam Van Doorn !



♦ L’alphabet sonore de Robin Smits, qui enregistre le son des lettres lors de leur impression via une imprimante à feutres. Une phrase, composée avec cette écriture hors du commun, ne dure pas moins de cinq heures !




♦ Une mise en forme syncopée – inspirée par la prosodie de la poésie sonore – pour Wintertuin, festival de poésie hollandais, par Emmy Van Thiel et Kris Tan.



♦ Majken Nilsson, Google Livingstone : pérégrinations africaines, à partir d’images Google, de la Tanzanie au Burkina Faso en passant par la Mauritanie, la Zambie…



♦ Inspirée par l’incontournable L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Emmy Van Thiel photocopie et re-photocopie les pages d’une vieille édition du célébrissime essai de Walter Benjamin. Elle pousse le processus de reproduction à un tel point que le texte devient illisible. L’ouvrage s’émancipe de son original, devient un objet indépendant à feuilleter, un flot de masses grises abstraites à contempler.



♦ Quand elle n’est pas graphiste, Dinfy van den Broek est postière. Son projet de diplôme De post est l’interprétation graphique d’une foule de données (numéros de maison, kilométrage, parcours, etc.) collectées au cours de ses missions de tri et de distribution de courrier, sous forme de livres et d’affiches.



♦ De la série Small Gestures, Big Expectations, Watching time fly by : un objet pour contempler le temps qui passe. L’oiseau miniature imaginé par Mark Sturkenboom vole en rond à la vitesse d’un tour-minute.



21 grams : un coffret funéraire pour la veuve. Mark Sturkenboom a tout prévu pour raviver le souvenir des nuits d’amour avec Monsieur : la fiole pour diffuser le parfum de l’époux disparu, la prise iPod pour égrener les notes des premiers slows, le cadre photo souvenir, le porte-anneau nuptial, et, surtout, l’urne cinéraire phallique, sex-toy sépulcral ! Nettoyage recommandé après utilisation, le petit carré de tissu prévu à cet effet étant soigneusement rangé dans le tiroir au bas du coffret. Messieurs, pas d’inquiétudes, le jeune designer promet le coffret funéraire du veuf pour bientôt !

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SI VOUS AVEZ AIMÉ CETTE VISITE, VOUS AIMEREZ SÛREMENT AUSSI :

♦ Découvrir avec Strabic la Rietveld Academie d’Amsterdam,

♦ Ou la KABK de la Haye,

♦ Ou encore la Werkplaats Typografie.

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texte : creative commons - image : © Sophie Cure

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