Collectif ETC : le géant, la bohème et le coup de main

Si le collectif ETC commence à trouver une place singulière dans le paysage de l’activisme, c’est peut-être pour son curieux mélange d’enfants sages et gaillards sans peurs, militants généreux de la perceuse et du tweet. De la belle éthique à la belle étiquette, où en sont-ils ?

La nature de l’engagement politique, artistique et social semble prendre une nouvelle figure délaissant le scandale pour une révolte prudente mais vivace. En écho à notre séjour sur le récent chantier d’ETC à Saint-Étienne, voici l’histoire du Géant de Châteaucreux, une belle métaphore de la puissance tranquille.

Pour la Biennale du design de Saint-Étienne, le collectif ETC réactivait l’un de ses tout premiers spot de chantier : une dent creuse tout proche de la gare Châteaucreux baptisée depuis leur premier projet en 2011, Place au changement. Il y a deux ans, le terrain vague au croisement de diverses petites rues, d’une grosse avenue passante et d’un parking en étages avait été mis à disposition du collectif pour une intervention temporaire et participative d’aménagement.

Le géant monument

Etablir une place publique dans un carrefour austère et bruyant tenait à la fois d’une extravagance de l’Établissement Public d’Aménagement de la ville et d’un défi pour jeunes architectes en mal de reconquête. Tous conscients de la complexité de générer des espaces publics, ils s’accordèrent ce temps d’expériences et d’entreprises empiriques au risque de l’inconnu. Cette petite parcelle de terrain constitue une entrée dans le quartier de Châteaucreux, quartier d’affaires en devenir, et joue le rôle délicat de vitrine. Les délaissés urbains ne donnant pas bonne mine à ce nouveau quartier dynamique, l’enjeu fut moins de définir l’identité de ce lieu que d’y mettre un petit peu de chaos ; le genre de petit bordel tranquille pour lequel on se sent bien chez soi. Le projet initial était basé sur les relations possibles entre l’espace domestique et l’espace public. Peut-on se sentir chez soi dans la rue ?

Le collectif dessina lors de son premier chantier en 2011, le plan au sol de quelques habitations et construisit le mobilier d’un semblant de maison à base de canapés, de lits, tables, chaises et fauteuils en bois : une formalisation littérale qui permit à tout un chacun de sauter sur les lits en chaussures, de mettre les pieds sur la table ou de jongler avec des flammes dans la salle à manger. Toute cette agitation, aussi studieuse que festive, se déroula sous le regard détourné d’un géant campé ici par le duo d’artistes Ella&Pitr, fameux agitateurs de papiers peints en milieu urbain. Une fois ETC parti, le Géant resta, monument à la gloire d’un bon moment, marquant la place par son fessier généreux d’une éloquente nostalgie.

Les aventuriers du quotidien

Tu sais, quand nous jouions à l’aventurier et à l’aventurière : toi tu étais celui à qui il arrive des aventures, moi j’étais celle qui les fait arriver. [1]

Deux années s’écoulèrent et c’est dans le cadre de la Biennale du design que le collectif ETC fut invité à remettre le couvert chez le géant. Pour cette nouvelle étape, l’intention n’était pas de tout effacer mais de travailler à partir sur ce qu’il restait du premier atelier. La Biennale avait choisi pour thème en 2013 « l’empathie ou l’expérience de l’autre ». Friands d’aventures collégiales, les membres d’ETC prirent le parti de convier cinq collectifs de designers, d’architectes, de paysagistes et de graphistes à concevoir différentes zones de convivialité. Sensibilisés à la culture du processus plutôt qu’à celle du résultat, tous les équipiers, conviés et passants, jouèrent le jeu de cette aventure d’une semaine de boue, bois et bières. En fin de semaine, ils partagèrent leur expérience en public lors d’une petite table ronde. L’exaltation qui se dégagea des témoignages semblait résonner avec certaines carences humaines et collectives symptomatiques de nos entreprises contemporaines. Et si ETC travaillait, sous couvert d’architecture, à réinventer l’intensité de la vie quotidienne ?

La bohème citoyenne

Si l’engagement du collectif ETC paraît moins explosif que celui de ses pairs, il n’est pas sans rappeler l’histoire manifeste de quelques auteurs révolutionnaires du mouvement artistique et social du Situationnisme. Cette génération d’activistes des années 60 fit de l’intensification de la vie sociale et naturelle son combat. Les situations qu’il nécessitait de construire chaque jour constituaient des moments de vie éphémère et pleinement vécus. ETC a simplement échangé les opérations coup de poing par des fonctions coup de main et prend à contre-pied notre jeune génération, crispée sur son individualité. Que l’on appelle cela de l’art, du design ou de l’architecture, le collectif ETC révolutionne l’action quotidienne. Version sereine.

Délibérément au-delà du jeu limité des formes, la beauté nouvelle sera de SITUATION. [2]

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Les équipes invitées par ETC à cette occasion :

• Les paysagistes de Bloc paysage
• Les architectes de Parenthèse
• Les designers de Total Clinche
• Les designers de Grand Est
• Les graphistes/plasticiens J’aime beaucoup ce que vous faites

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POUR ALLER PLUS LOIN :

Détour de France

Le désOrdre des architectes

On a testé pour vous... camper à la Grande-Motte

[1Extrait du dialogue d’Anny et Roquentin. Jean-Paul Sartre, La Nausée.

[2Guy Debord, Internationnale lettriste n° 2.

texte : creative commons - images : © Mathilde Sauzet et ETC

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