A priori plutôt sceptiques sur la communication de cette "grande scène végétale" installée du 30 mai au 3 juin au Grand Palais et pilotée par Aude de Thuin (présentée comme une "serial entrepreneuse et pépiniériste de tendances"), l’envie nous a tout de même pris d’aller faire un tour à "L’art du jardin". En effet, notre curiosité fut éveillée par une photo croisée sur le net d’où naquît le fantasme de la grande nef remplie de plantes, devenue pour un temps la plus grande et la plus exubérante des serres tropicales.
La réalité nous attendait au tournant : point de chaleur humide ni d’odeur terreuse et végétale au rendez-vous.
L’art du jardin était en fait un "salon" au sens le plus commercial du terme, exposant ensemble : pépiniéristes, designers végétaux, mobilier et accessoires de jardins, artistes photographes ou peintres, mais aussi des grandes enseignes dont on comprend plus ou moins la légitimité de leur présence (Truffaut, Dior, Champagne Pommery…).
Nous avons donc promené notre déception, papillonnant des pelouses en plastique aux barbecues portables, des rhododendrons aux plantes poussant sur des coussins, des murs végétaux aux faux moutons.
D’odeurs on n’en croisait que dans le "Jardin grisant" conçu par Jean-Michel Wilmotte et François Neveux, où l’intensité du parfum des immortelles imposait sa puissance. Plus loin, un jardin de "fleurs ventilateurs" diffusait une écœurante fragrance fleurie artificielle.
L’enthousiasme a définitivement disparu en arrivant sur le stand de la "Financière de l’échiquier", société de gestion de portefeuilles. Une scénographie très chic y proposait des métaphores et des parallèles entre la figure de l’investisseur et celle du jardinier.
Morceaux choisis : "la Bourse, paradis des investisseurs / le jardin d’Eden" ; "Prendre ses bénéfices / Savoir tailler et couper au bon moment" ; "Investir dans les entreprises prometteuses / Choisir le bon terrain" ; "Haut et bas des marchés / Aléas climatiques"…
À l’inverse, un ovni parmi les "stands", celui de l’association Topager : moins léché, sans aucun vendeur à l’horizon, quelques bacs plantés de légumes et de fleurs, un mail griffonné sur un A4 et un aquarium rempli de terre et de plantes.
Le tout montrait le fonctionnement du substrat vivant et ses interactions nourricières avec les plantes et réveillait quelques lueurs enfantines dans le regard des visiteurs (de la vraie terre !).
Enfin, pour ne pas partir bredouille, on pouvait quand même prendre quelques belles photos (à peu près les mêmes que celles qui nous avaient donné envie de venir au départ) de la mare réalisée par Thierry Huau comme un clin d’œil aux Nymphéas de Giverny. Méfions-nous donc encore une fois des images…
Peut-être qu’en ce week-end de printemps, à choisir dans l’offre pléthorique de programmation autour du jardinage, il aurait mieux valu aller voir "Jardins Jardin" aux Tuileries, ou encore se rendre à une des visites possibles dans le cadre des "Rendez-vous aux jardins". Surtout, on se dit qu’en ces temps de grande mode du jardin et du paysage, du vert et de l’écologie, du potager et du greenwashing, il y a à boire et à manger dans la même tendance.
Si l’enjeu écologique passe aussi par le fait de mieux comprendre la logique du vivant et notamment du végétal, il semble important de faire preuve de discernement, et de se méfier de tout ce qui peut être vendu sous la même image de verdure complaisante.