« Trois fois chaque jour, dans la matinée, l’après-midi, et au coucher du soleil, M. des Gachons note au pastel l’aspect général du ciel, faisant avec plus de méthode et plus d’art que ce que nous faisons nous-mêmes quand nous levons le nez en l’air au saut du lit, à l’heure du déjeuner, puis à celle du dîner, pour interroger le temps. » L’Illustration, 14 août 1920.
André des Gachons aurait réalisé entre 1913 et 1951 près de 77 000 aquarelles de ciel, dont 9 500 aquarelles météorologiques en tant qu’observateur bénévole pour le Bureau Central de Météorologie. La plupart des aquarelles ne nous sont pas parvenues, mais certaines, réalisées pendant la Grande Guerre, sont aujourd’hui conservées par la médiathèque de Météo France. Établies avec son frère Louis, éditeur de cartes postales, les feuilles de relevés climatiques consignant les données scientifiques constituent le cadre d’un protocole sériel qui conduit cet artiste, au-delà de ses influences symbolistes, à l’invention d’une méthodologie de production inédite.
En d’autres termes (ceux d’un journaliste de L’Illustration en 1920) :
« M. André des Gachons, peintre de talent, s’est fait une spécialité de traduire avec une réelle maîtrise les lumières fugitives des aurores ou des soleils couchants. Au cours de ses études, il remarqua certaines relations entre le temps et des nuances de ciel qui eussent échappé à un œil moins exercé. Il se trouva ainsi amené à codifier ses observations sous formes d’aquarelles dont la "lecture" est aussi facile qu’attrayante. »
Treize, espace de production et d’exposition soutenu par la Mairie de Paris, nous offre jusqu’au 13 juillet prochain l’opportunité de nous immerger dans cet œuvre oscillant entre sciences, art et obsession. Cette exposition co-organisée avec le musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Châlons-en-Champagne et en partenariat avec Météo-France devrait vous permettre de fuir momentanément la canicule parisienne pour vous réfugier derrière le nuage de votre choix. Toutes les tailles disponibles immédiatement et de nombreux modèles en réserve :
André des Gachons rencontre George Kuchar
Ce soir même, vendredi 10 juillet 2015, dans le cadre de cet accrochage, Treize organise un genre de rencontre improbable dont Strabic est friand.
George Kuchar, un grand nom du cinéma underground américain s’invite ainsi chez l’aquarelliste de La Chaussée-sur-Marne.
George Kuchar n’a jamais eu son permis de conduire. Il n’appartient donc pas au clan des storm chasers, qui parcourent les plaines de l’Oklahoma au printemps pour se confronter aux tornades et tempêtes qui sillonnent cet État. Ce handicap ne l’a pourtant pas découragé de retourner, lui aussi, chaque mois de mai, à El Reno.
Enfermé dans des motels sordides, les yeux rivés sur l’écran de télévision qui diffuse des messages de sûreté publique, il regarde les cartes météorologiques et leurs évolutions. C’est précisément en dessinateur de cartes météorologiques pour une chaîne de télévision locale qu’il développe très jeune son savoir en matière de phénomènes climatiques. Dès les premiers films qu’il réalise avec son frère Mike,
dans les années 1960 (A Town Called Tempest, 1963) une fascination transparaît, la tempête, au-delà du déchaînement des éléments, étant liée à sa sexualité.
Ces rendez-vous manqués avec le sublime qu’égrènent les Weather Diaries, ensemble de films réalisés de 1986 à 2011, se dessinent en contrepoint de son propre journal, érotique et scatologique. Une correspondance s’établit entre lui et les éléments qu’il poursuit, entre la violence climatique qu’il expérimente, et la tornade créée par la chasse d’eau de ses toilettes. Les Weather Diaries apparaissent donc comme un écho américain et poisseux aux délicates aquarelles météorologiques d’André des Gachons.
Programme des projections du vendredi 10 juillet 2015 (à partir de 19h) :
☁ Weather Diary 1, USA 1986, digital video, color, 75 min.
☁ Weather Diary 3, USA 1998, digital video, color, 25 min.
☁ Eye on the Sky, USA, 2008, digital video, color, 20min.
Programme réalisé grâce à Video Data Bank, Chicago, avec la collaboration de Ruth Hodgins. Plus d’informations ici.
Exposition jusqu’au 13 juillet 2015, ouverte du mardi au samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous, à Treize, 24 rue Moret 75011 Paris.