Quelques milliers de grosses fourmis Atta dites "fourmis coupe-feuilles" (mais "fourmis-tronçonneuses" aurait été tout aussi approprié) grouillent intelligemment à l’intérieur d’une arène futuriste qui n’est pas sans rappeler certaines architectures radicales des années 60’ ou le décor d’un quelconque film de SF. Les insectes s’organisent sous nos yeux et l’on repense évidemment à Howard Rheingold et ses Smart Mobs. Bien en ligne, ils voyagent sur des galeries aériennes et partent à la découverte des diverses réserves de matière qui ont été mises à leur disposition : morceaux de sacs plastiques, feuilles d’arbre, fleurs, livres d’études (!), etc.
Et la colonie toute entière de travailler ainsi à la construction d’une fourmilière, bien à l’écart de cette ère de jeux aux lumières électriques, via un long tunnel transparent qui mène à quelques silos d’habitation, baignés dans une brume mystique. L’espace est bourré de caméras qui zooment sur les réserves de matériaux de construction et de multiples microphones amplifient gravement les bruits - normalement inaudibles - des fourmis au travail.
Intitulée The Tragedy of the Commons et actuellement présentée au Palais de Tokyo, cette étrange ambiance est le fruit de la collaboration entre deux artistes, Robin Meier et Ali Momeni. Ceux-ci expliquent avoir cherché à créer un "marché de valeurs et de coûts fictifs pour la nourriture des fourmis". À la croisée entre monde artistique, monde biologique et économie comportementale, cette recherche a bénéficié de l’aide du Laboratoire d’Éthologie Expérimentale et Comparée de l’Université Paris 13. Le repas quotidien de toutes ces voraces demoiselles est sponsorisé par la Direction des espaces verts du XVIe arrondissement de Paris, ni plus ni moins ! Bon appétit bien sûr !
Robin Meier et Ali Momeni, The Tragedy of the Commons, Palais de Tokyo, jusqu’au 18 septembre 2011.