Les points communs entre graphisme et architecture sont nombreux, tout comme les liens historiques que ces deux disciplines des arts appliqués entretiennent. Trois publications récentes en témoignent : une revue, Étapes 195 et deux ouvrages Architecture & Typographie et Le livre et l’architecte.
Si déjà au 13e siècle, l’architecte Villard de Honnecourt crée une grille fixant les proportions de la page du livre et du bloc de composition destinée aux metteurs en pages, ce n’est qu’au début du 20e siècle qu’architectes et graphistes nouent les liens les plus étroits. Le graphisme appliqué étant une discipline jeune et manquant de légitimité, de nombreux graphistes de l’entre-deux-guerres s’intéressent à la théorie architecturale et à ses codes et concepts fondateurs. Pour les artistes d’avant-garde - notamment Constructivistes ou membres du Bauhaus – « l’architecture est le but de toute activité créatrice ». Lissitzky écrit :
« L’architecture est l’art dans son sens le plus élevé, l’ordre mathématique. »
Aujourd’hui encore, la (re)connaissance du graphisme laisse à désirer ; sur France Culture, Marie Richeux avoue honnêtement : « Malte Martin est un graphiste ; jusqu’à ma rencontre avec lui il y a deux ans, je ne savais pas ce qu’être graphiste voulait dire… » Un tel aveu eût-il été possible (crédible) au sujet de l’architecture ?
Nous pouvons cependant nous demander si la subordination symbolique du graphisme à l’architecture n’est pas devenue, avec le temps et paradoxalement, une aubaine pour les graphistes : pour Franco La Cecla, beaucoup d’étudiants en architecture inondent aujourd’hui leur mémoire de références architecto-centrées convenues et banales ; cela peut paraître surprenant quand on sait que les architectes sont peut-être les premiers à s’entourer de sociologues et autres ethnologues. Quoi qu’il en soit, pourrait-on en dire autant des étudiants en graphisme, qu’on pousse sans cesse, pour combler leur illégitimité, à adopter une démarche interdisciplinaire ?