En 1959, le numéro 38 de la revue Esthétique Industrielle rend hommage à son fondateur Jacques Viénot, tout juste disparu.
À cette occasion, vingt-quatre auteurs, collaborateurs et amis témoignent des qualités de ce grand homme : extraits d’une nécrologie sur douze pages.
Georges Patrix
designer industriel.
« Jacques Viénot, un billet de banque à la main, craque une allumette, et tandis que le billet se consume, le symbole se crée. Jacques Viénot était un révolutionnaire, et dans le monde de la laideur industrielle, il ne pouvait que l’être. »
Georges Combet
président de Gaz de France, membre de la commission de l’Institut d’Esthétique industrielle. Il établit les bases de la Charte réalisée lors du Congrès de l’Esthétique industrielle à Paris en 1953.
« L’Art, a-t-il écrit, c’est la guerre contre la laideur et la bêtise. Durant toute sa vie il a livré bataille pour défendre la conception qu’il s’était faite de l’art et de sa fonction dans notre société : un art unamine et actuel au sens propre de ces mots. Ses études qu’il a faites à Paris au Lycée Janson ont été entrecoupées de séjours prolongés à l’étranger. Puis vint le service militaire et la guerre. Il est fait prisonnier à la fin de l’année 14 et doit traverser l’épreuve d’une longue captivité. C’est sans doute durant ces trente mois de solitude morale et de promiscuité physique qu’il a pris conscience de sa vocation et peu à peu dégagé les idées qui devaient commander son action. »
Georges Levantal, directeur de la Société pour le Développement de l’Industrie pour Gaz de France, secrétaire du Congrès de 1953.
« Le 27 août 1914, sa Section ayant été prise sous un violent bombardement tuant et blessant un grand nombre d’hommes et presque tous les chevaux, [Jacques] a fait preuve du plus grand dévouement et d’un sang-froid absolu en s’efforçant, par tous les moyens, de rétablir le calme et d’évacuer le matériel. […] sur le plan de l’Esthétique Industrielle, Jacques Viénot l’a fourni en recherchant pour les ouvrages et les produits les plus variés, les formes les mieux adaptées et belles de ce seul fait. Il entendait ainsi répondre tout à la fois au vœu des utilisateurs, et servir les intérêts des producteurs. »
Raymond Gid
affichiste et typographe.
« Confronter des disciplines parfois fort opposées et les associer à des fins constructives, telle a été la vocation essentielle de Jacques Viénot. »
Pierre O. Bauer
architecte.
« Tu n’as pas cessé de rechercher les moyens, permettant un compréhension meilleure des Hommes et des Choses, et d’améliorer ainsi constamment les contacts entre les Êtres eux-mêmes. Chacune de tes pensées était une idée nouvelle. Lui donner un forme, la faire devenir une réalité, ceci fut le sens de ta vie. »
Raymond Boisdé
secrétaire d’État au département du Commerce.
« Nul autre que lui ne pouvait ainsi consacrer les connaissances les plus étendues et le goût le plus sûr à l’élaboration de formes, de volumes, de lignes et de couleurs, pour rendre plus attirants les objets, les instruments, les outils les plus usuels. […]. Jacques Viénot, lui, y mettait tout son cœur, apportant aux choses les plus banales ce supplément d’âme qui nous est devenu si nécessaire. »
Denis Huisman
philosophe et professeur de philosophie.
« J’ai eu souvent l’occasion de parler philosophie avec lui pendant ces derniers mois : et ce qui m’avait le plus frappé dans ces entretiens que nous avions ensemble, c’était son désir d’approfondissement, de rajeunissement, de renouvellement de ses idées. »
Jacques Dumond
architecte et décorateur.
« Il toucha Collas sur l’épaule :
– Vous le connaissez, celui-là ?
– Un peu, c’est un “jeune“.
– Bien, donnez-lui mon adresse et demandez-lui de me téléphoner.
Combien de fois as-tu ouvert des portes, appelé des jeunes, soutenu des inconnus, comme si cela était tout naturel. »
Pierre Vago
architecte.
« Vingt-cinq ans ! d’une amitié sans une faille et sans un nuage, et au cours desquels j’ai été associé, plus ou moins étroitement, à toutes les activités de mon ami, du groupe Porza au Conseil International des stylistiques industriels, en passant par l’Art des Fêtes, Civilisation, Art Présent, l’Esthétique industrielle. »
E.C. Didier
rédacteur en chef de l’Usine Nouvelle.
« Pour des gens comme moi et pour beaucoup d’autres autour de nous, Jacques Viénot était la personnalisation même de l’action entreprise dans ce domaine en France. »
Victor Vasarély
plasticien hongrois.
« L’Esthétique Industrielle de Jacques Viénot dépasse son propre objectif, elle annonce l’Esthétique par excellence d’une époque naissante. »
Jean Peyrissac
peintre et plasticien français.
« Artiste lui-même, et ami des artistes. »