Judith Scott : quelques objets secrets

Écrit par Tony Côme

Pauvres pécheurs de passage à Paris, entrez pieusement ici, dans l’ancienne sacristie du Collège des Bernardins et admirez, si vous n’en avez pas encore eu l’occasion, cet écrin de pierres sacrées qui accueille depuis peu de très belles expositions.

D’aucuns se souviendront probablement de l’installation de Claudio Parmiggiani qui s’inséra tout naturellement entre les murs de cette institution, comme si celle-ci avait été conçue spécialement pour ce travail. En redécouvrant le petit espace de ladite sacristie, beaucoup n’auront pas oublié la collection de cloches que l’artiste italien y avait savamment déposée.

Mais le temps a passé, les expositions se sont enchainées et, aujourd’hui, la fibre succède au bronze. Avec Objets secrets, le Collège expose une sélection des travaux de l’américaine Judith Scott, tous cousus de laine. En lieu et place des artefacts métalliques de Parmiggiani, potentiellement bruyants, se trouve maintenant une série de sculptures feutrées, recouvertes de fils et de divers haillons colorés. Telle est l’unique technique de Miss Scott, artiste "brut" trisomique sourde et muette, disparue en 2005 : saisir un objet dans son entourage et pendant des mois entiers l’enrober compulsivement d’un épais cocon de laine jusqu’à ce qu’il disparaisse totalement. Le mettre à distance, faire enfler sa silhouette et le donner, totalement modifié, au sens du toucher. Objets à fourrure, sculptures fourrées.

Ses travaux évoquent "ceux de Louise Bourgeois ou d’Annette Messager" nous dit-on. Peut-être. Parce que ce sont toutes trois des artistes femmes ? Détachons-nous de cette approche genrée et rapprochons-les plutôt des premiers objets de Claes Oldenburg, grossièrement façonnés dans du plâtre, maladroitement peints et vendus dans son Store de 1961 à New York : surfaces accidentées et dégoulinures de peinture bossellent et floutent les objets choisis comme dans le travail de Scott. Rangeons-les donc au même rayon.

Mais qui connait aussi le travail de Marcel Duchamp ne pourra que penser à son ready-made aidé de 1916, À bruit secret, une bobine de ficelle dans laquelle le poète Walter Arensberg dissimula un mystérieux objet, objet "secret" que l’artiste a scellé entre deux plaques de cuivre et qui doit évidemment être mis en relation avec le titre de cette exposition. Inutile de secouer, ces objets nous ont définitivement été dérobés.

Judith Scott, Objets Secrets, Collège des Bernardins, 20 rue de Poissy, 75005 Paris, jusqu’au 18 décembre 2011. Portrait de l’artiste : © Leon Borensztein.

texte : creative commons - images : © Tony Côme

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