« Le joujou est la première initiation de l’enfant à l’art », Charles Baudelaire.
Le musée des arts décoratifs de Paris présente jusqu’au 6 novembre prochain une rétrospective (la première en France) de l’œuvre de Libuše Niklová (1934-1981), designer tchèque peu connue dans nos frontières qui aura consacré sa carrière à la conception de jouets.
Un des intérêts de son travail réside dans le passage - fort bien maîtrisé - du jouet en bois, qui devient cher après-guerre, au plastique. Si l’imaginaire associé reste le même (jouets en forme de quilles ou de matière sculptée, peints à la main), la transition se fait du point de vue de l’usage. Libuše Niklová va en effet tourner ce matériau à son avantage, en inventant (et faisant breveter) des modèles techniques jusque-là inédits : des culbutos gonflables lestés d’eau permettant de jouer au bain, des sièges pour enfants étirables, et toute une série de jouets en accordéon munis d’un sifflet, qui se démontent et se ré-assemblent à l’envi. Exploitant ainsi les capacités du plastique, la designer a construit au fil des années un univers réjouissant, qui parvient à donner une certaine préciosité à une matière relativement pauvre.
Quelques-uns de ces jouets ont été réédités à l’occasion de cette exposition, à notre plus grand plaisir : buffle, chevreau, hippocampe ou encore écrevisse viennent enrichir le vocabulaire traditionnel de nos oursons en peluche et autres girafes Sophie. Sans oublier le sournois hippopotame et le porcelet étonné, qui nous observent, nageant dans une vitrine remplie de billes en plastique... Forts expressifs malgré la technique employée (la même que pour les cachalots géants qu’on voit flotter dans les piscines l’été), souvent subtils dans les motifs graphiques et les coloris employés, ces jouets sont aussi étudiés pour que l’enfant ait un rôle très actif. Le jeu commence dès l’achat, puisqu’il doit monter lui-même l’objet, acheté en « kit » dans un packaging très étudié reprenant le motif d’accordéon stylisé. Mais surtout, le jouet en lui-même est censé amener l’enfant à « imiter le rampement, l’étirement et le miaulement tels qu’on les observe dans la nature ». Chose qu’on aurait bien aimé tester… Pourra-t-on un jour toucher les objets dans les expositions de design ?