Public Domaine - Skateboard Culture

Dans l’étrange palais de la Gaîté Lyrique, une exposition un peu fourre-tout tente de nous parler, à tout niveau, de la culture du skateboard. Avant d’entrer, on s’interroge sur le titre de l’exposition : Public Domaine ? On aurait pu s’attendre à une réelle réflexion sur le skateboard et ses implications dans l’espace urbain : comment le skateur par sa pratique modifie un espace (altération, vieillissement prématuré du mobilier urbain, réhabilitation de certains lieux par sa présence…) et comment de ce fait le regard sur l’espace est-il modifié ? Et puisque l’on parle de domaine public, comment les politiques publiques répondent-elles à cette pratique ?

Peu de réponses sur ces sujets. Le problème de l’exposition, c’est qu’elle peine à trouver une ligne directrice entre histoire du skateboard, réflexion de fond sur le sujet et production d’œuvres sur le skate, par des skateurs et non skateurs. Tout y est un peu abordé, mais sans hiérarchie. Le choix de l’éclectisme est fait au détriment des questionnements jamais résolus liés au skateboard : est-ce un sport ? Est-ce de l’art urbain ?

L’arrivée du matériel de tournage vidéo dans les années 80 a tout simplement permis de créer l’imagerie du skateboard : dans le skateboard d’hier comme dans celui d’aujourd’hui, tout passe par les vidéos réalisées par les marques. Public Domain est d’ailleurs le nom d’une vidéo de Stacy Peralta qui a posé les bases esthétiques de l’image de skateboard. Programmée certains soirs de la semaine, une série de projections donne à découvrir d’autres documents de ce type.

Malgré le trop plein d’installations sans fondement, quelques œuvres valent tout de même le détour. Au rez-de-chaussée, une chambre sonore conçue par DVNO nous fait entendre, au contact de nos pieds sur le sol, des sons de skateboards en action sur le patrimoine architectural de São Paulo. La pollution sonore du skate joue avec la musique électronique et le titre de l’œuvre Echoes of Anhangabaù (2011) résonne comme un étrange folklore urbain.

Un peu plus loin, Prisme (2011), de Cédric Viollet et Edouard Le Scouarnec, nous montre des arrêts sur image de skateurs juste avant leur saut. Sur une bande son onirique, l’image du risque se ressent avec intensité.
Au niveau -1, comme pour se donner bonne conscience et mieux exprimer le côté rebelle du skateboard, une sélection de graphismes de planches à scandales (connotations sexuelles, drogue, racisme,…) oublie que les images sous les planches sont rapidement effacées lors de leur utilisation et que la provocation politique fait partie intégrante du marketing des marques de skateboards.

Comme avec le graffiti, la subversion politique du skate ne se situerait-elle pas dans sa pratique-même, c’est-à-dire dans la réappropriation de l’espace urbain qu’il permet ?

Le ILL-STUDIO, qui a réalisé l’identité graphique de l’exposition, redonne au skateboard une touche intemporelle et revalorise les éléments matériels du skate ; sa planche avec Ellipse et Mausolem la sacralisation d’un roulement "Abec 5" - les roulements les plus utilisés dans le monde du skate.

Au deuxième étage, PAS House expose le concept utopique d’un intérieur de maison entièrement "skatable", les murs sont en plans inclinés, tout est en bois avec des petits rebords pour pouvoir "rider". Une œuvre créée par Pierre-André Senizergues, Gil Le Bon Delapointe et François Perrin.

Le grand absent de cette exposition reste Raphaël Zarka, artiste contemporain d’une trentaine d’années qui a beaucoup travaillé sur le skateboard et a notamment écrit, en français, les rares livres théoriques sur le sujet : La conjonction interdite et Chronologie lacunaire du skateboard 1779-2009.

Public Domaine – Skateboard Culture. Jusqu’au 7 Août à la Gaîté Lyrique, 3 bis rue Papin, 75003.

tweet partager sur Facebook


Vous aimerez aussi :