Henri Ciriani : Vivre haut
Une architecture de l’habiter

Écrit par Irène Laplanche.

Alors que s’érigent des tours de toutes formes, de tous genres, la parution d’un livre intitulé « Vivre haut » paraît somme toute logique. Henri Ciriani y révèle des années de croquis méditatifs sur des habitations verticales, et la recherche toujours renouvelée d’une architecture pouvant être tant horizontale que verticale. Cependant, plus que de défi aux nuages ou d’ascension architecturale, c’est davantage de l’habiter, du site, du contexte et de l’urbain dont il est question dans cette publication d’Archibooks.

L’ouvrage Vivre Haut, médiations en paroles et dessins est une leçon fondamentale, le condensé d’années d’enseignements et cours d’architecture. Martine Bouchier y propose la retranscription de deux conversations, tant méditatives que débattues, associant Henri Ciriani à deux confrères, Laurent Baudouin puis Christian Devillers. Le genre adopté tient de l’entretien journalistique et convient parfaitement aux propos de l’architecte et professeur qu’est Henri Ciriani. Le tout s’apparente à une promenade aux côtés d’un architecte qui semble n’avoir jamais cessé de s’interroger sur les formes de l’habiter et sur le projet d’architecture.

Méditations fondamentales

Projet, Verticalité, Volume, autant d’éléments fondamentaux en architecture, qui semblent ici s’éclairer d’eux-mêmes : « L’architecture cherche à résoudre un problème humain, et en même temps à rendre cet homme meilleur. Lorsque l’on projette il faut savoir qui l’on est, et de plus, pourquoi l’on agit ». Ni péremptoires et encore moins présomptueux, les arguments avancés par Henri Ciriani frappent par leur justesse et leur transparence. Est-ce le professeur qui sait rendre si clairs des concepts que la critique rend parfois si compliqués à comprendre ? Ou sont-ce simplement des années de maturation qui ont permis à Ciriani d’affirmer une pensée qui lui est propre et de développer une démarche qui le démarque de ses pairs, mais aussi de ses pères ?

On reconnait l’admirateur de Le Corbusier, de sa démarche et de ses projets. On lit le Moderne, préoccupé par les questions de lumière, de plan ou d’unité ; mais aussi l’architecte d’État, frappé de réalisme, conscient des contraintes de hauteur, de la nécessité de dessiner l’habitable. La souplesse de l’ouvrage tient de la richesse de la pensée, des magnifiques illustrations et dessins de Ciriani autant que du ton employé.

Sous forme journalistique

L’entretien, genre somme toute remarquable pour des publications architecturales, rend fluide et facile le déroulement du discours. Les nombreux allers-retours, cadrés par le rythme des questions, empreints de la banalité du français parlé, sont agréables et fascinants. La confrontation de professionnels est rendue palpable par cette forme qui renouvelle le genre de l’essai, et surtout, rend l’ouvrage extrêmement vivant. On ne regrette en rien un manifeste ou un ouvrage de forme classique, qui aurait sûrement perdu en spontanéité et anecdotes. On regrette, cependant, l’amateurisme de la relecture et de la maison d’édition. Les coquilles, manques et faux raccords sont trop nombreux pour être de l’inadvertance et se révèlent gênants à la lecture. Notre enthousiasme n’en pâtit heureusement pas.

Les divers concepts et éléments débattus s’apparentent à un glossaire protéiforme, charriant le lecteur au gré d’une conversation non linéaire, dans une ascension vers la forme pure, la simplicité du trait, concluant que « le dessin peut être à la fin un seul trait, mais si vous avez dépensé quatre heures avant de tirer ce trait, il vient avec la moitié de votre vie ».

Laurent Beaudouin et Henri Ciriani, Vivre haut. Méditation en paroles et dessins, éditions Archibooks, Collection Crossborder(s), février 2012.

texte creative commons.

tweet partager sur Facebook