HfG Ulm
l’héritière du Bauhaus

Article écrit par Tony Côme.

Fruit de la rencontre entre le prestigieux éditeur allemand Lars Müller et le département design de la Fachhochschule de Düsseldorf, la collection A5 compile des documents majeurs de l’histoire du graphisme et tend progressivement à s’imposer comme une archive de référence.

Après une remarquable analyse de l’identité visuelle de la Lufthansa, le sixième opus de la collection propose une « histoire concise de la Hochschule für Gestaltung d’Ulm ».

Jusqu’à ce jour, cette institution, l’une des écoles de design les plus influentes au sortir de la Seconde Guerre mondiale, n’avait donné lieu qu’à des publications plutôt imposantes (René Spitz, HfG Ulm : The View Behind the Foreground, Edition Axel Menges, 2002) ou vite épuisées (ulm method and design, Hatje Cantz, 2003), ne parlant souvent qu’aux initiés (L’école d’Ulm : textes et manifestes, Centre Pompidou, 1988) ou aux germanistes (HfG Ulm, Programm wird Bau, Merz + Solitude, 2002).

Grâce à un efficace travail de mise en page et un sens certain de la synthèse, cet ouvrage bilingue (allemand + anglais) offre enfin à cette épopée un accès aisé. C’est le critique René Spitz, l’incontestable spécialiste, qui mène le lecteur de la gestation (1953) à la fermeture de l’école (1968). Inséparable de son Leica, Hans G. Conrad, l’un des premiers étudiants à intégrer la Hochschule für Gestaltung, a documenté année après année cette aventure politico-pédagogique inspirée du Bauhaus.

“La HfG n’a pas été créée pour pallier une carence esthétique. Au départ, ses fondateurs (Otl Aicher, Inge Scholl et Max Bill) ne cherchaient pas à dessiner des lampes et des affiches élégantes. Au contraire, ils s’intéressaient au design de la société.”

Quinze années particulièrement fécondes dans les domaines du design d’objet, de la communication visuelle, de l’architecture, du cinéma, de la photographie, tant sur le plan pratique que théorique. Il faut dire aussi que les conditions d’apprentissage furent plus que confortables : dans un bâtiment dédié dessiné par Max Bill sur le plateau de Kuhberg, 637 étudiants purent interagir avec plus de 280 professeurs et conférenciers invités. Parmi ceux-ci : Richard Buckminster Fuller, Walter Gropius, Abraham Moles, Victor Papanek, Reyner Banham, Josef Albers, Johannes Itten ou encore les Eames. Quelques sommités…

Bien sûr, le tableau a ses zones d’ombre : la lutte pour l’indépendance institutionnelle, l’éviction de Max Bill hors de la direction, le peu de contact avec les habitants d’Ulm, la dérive scientifique de certains enseignements, les ultimes problèmes de financement.

“Le public eut rapidement l’impression qu’il ne se passait rien à Kuhberg, si ce n’est des querelles sans fin.”

Mais qu’à cela ne tienne, les querelles disparaissent, les productions restent : quelle cantine de France ou d’Allemagne a déjà remisé son service de table TC100 (projet de diplôme de Nick Roericht présenté à Ulm en 1959 et édité par Rosenthal depuis 1962) ? La Lufthansa a-t-elle modifié son logo après qu’Otl Aicher et quelques uns de ses étudiants l’aient repensé en 1962 ? Qui n’a jamais vu le Carousel Kodak dessiné en 1963 par Hans Gugelot, le professeur de design de la Hochschule für Gestaltung ?

René Spitz, HfG Ulm, Concise History of the Ulm School of Design, A5/06, Lars Müller, 2014, ISBN 978-3-03778-413-6 (Anglais/Allemand).





Texte : creative commons - Images : © Lars Müller

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