Altuglas, Védril et Kralastic
Du matériau moderne

Article réalisé par Loïc Morizur, à l’École Supérieure d’Art des Pyrénées.

Nous sommes dans les années 1960. Les grandes guerres successives ont poussé les industriels à l’innovation technique et technologique - amiante comprise. L’enthousiasme qui les accompagne n’échappera pas aux pages d’Esthétique Industrielle. Sa rubrique « Informations techniques » en devient le porte-parole auprès des architectes et designers, promouvant les nouveaux matériaux et leurs usages possibles. Entre information, prescription et publicité, la frontière est ténue, mais dessine une allégorie de modernité aux finitions parfaites.


MÉTAUX


L’aluminium

« Plus jeune que notre siècle, ce métal et ses alliages « légers » sont devenus indispensables à notre univers.

Inaltérable, lui aussi, bien que sa surface se patine plus ou moins vite, l’aluminium est en outre léger et bon conducteur. Lorsque ces qualités sont mises à profit, le prix du matériau devient secondaire. Pour sa faible densité l’aviation en fait une large utilisation mais aussi l’automobile, le camping depuis la caravane jusqu’aux couverts de table, lits et sièges pliants, etc. Les alliages aluminium-magnésium ont des caractéristiques rejoignant celles de l’acier pour un poids beaucoup plus moindre.

Son inaltérabilité lui a ouvert des domaines encore plus vastes : matériau de revêtements pour toitures, façades, architecture intérieure ou matériau de structure dans les huisseries des fenêtres. Des poignées de portes aux pieds de chaises l’emploi de l’aluminium est si fréquent qu’on le remarque de moins en moins. La gamme des présentations du métal s’est progressivement élargie : pièce moulées en coquille dont l’épiderme ne nécessite aucun usinage, aucun virage, pièce matricées aux grandes qualités mécaniques, tôles de grandes dimensions lisses ou nervurées, barres profilées obtenues par filage avec une grande précision.

Le créateur trouve dans l’aluminium des caractéristiques précieuses et une grande souplesse de mise en œuvre. L’oxydation anodique, sans enlever au métal son brillant augmente considérablement sa protection et permet sa coloration avant ou après façonnage, emboutissage, découpage par exemple. De nouveaux progrès s’accomplissent journellement dans les traitements de surface de l’aluminium. L’Elocal, par exemple, est d’apparition récente. »

Esthétique industrielle n°59, Activités internationales, p.85 , Janvier - février 1963.


Le titane

« Beaucoup plus solide que le fer pour une densité de moitié. » écrit Albert Ducrocq dans son éditorial. « Le titane est sans doute le métal de l’avenir. Ses ressources sont considérables et son prix de revient s’abaissera comme naguère celui de l’aluminium.
Le titane intervient déjà pour 10% dans le poids des avions. La grande industrie pourra l’utiliser lorsqu’il deviendra plus facile de la mettre en œuvre. De ses applications techniques, il parviendra à des emplois plus visibles et l’esthétique industrielle devra en tenir compte. À l’heure actuelle le métal est surtout disponible sous forme de tôles et de tubes. Il est largement utilisé sous forme de pièces moulées. »

Esthétique industrielle n°55, la création architecturale et son orientation, p.34 , Mars - avril 1963.


L’amiante

« L’amiante ciment est un matériau robuste et économique dont l’emploi est malheureusement limité bien souvent en France aux constructions sans intérêt architectural.

Il mérite pourtant un meilleur sort. C’est dans cette optique que nous publions ces quelques photos de réalisation étrangères, en plaques ondulées d’Eternit.
Ces usines, ces réservoirs, cette habitation individuelle ont trouvé une expression architecturale personnelle. Les grandes parties traitées en Eternit, que ce soit des toitures ou des bordages verticaux, le sont avec ampleur et un souci du détail qui permettent au matériau d’être utilisé dans toute sa vérité et dans une plastique qui lui est propre. De tels exemples ne manquent pas d’intérêt et sont à encourager auprès des utilisateurs français. »

Esthétique industrielle n°60, la création architecturale et son orientation, p.96 , Mars - avril 1963.


L’acier inoxydable

« Ce n’est guère qu’après 1945 que ce métal peut être utilisé dans les fabrications de série, son prix devenant industriel et la production de tôles devenant plus importante.
Caractéristique essentielle : l’inaltérabilité qui supprime ou facilite l’entretien, qu’il s’agisse de couverts de table ou de véhicules ferroviaires. Autre qualité de l’acier inoxydable, sa rigidité qui permet d’utiliser des épaisseurs moindres qu’avec l’acier ordinaire, donc des poids inférieurs. De sorte que les voitures S.N.C.F. construites en acier inoxydable sont plus légère et ne coûtent pas plus cher.
Certains créateurs ont rencontré des phénomènes de déformation particulière à ce métal, conséquence sans doute de tensions internes.

L’acier inoxydable est, depuis peu, commercialisé sous de nouvelles formes, profils divers, tubes carré en particulier, mais c’est encore sous la forme de tôles qu’il reçoit le plus d’applications visibles : tôles lisses ou tôles travaillées.
De la platerie aux éviers, il a conquis sa place dans nos intérieurs : cafetières, cendriers, etc. Élément de structure ou de revêtement, le bâtiment l’utilise de plus en plus.
L’acier inoxydable présente un reflet bleuté caractéristique qui le fait choisir pour s’harmoniser avec les matériaux avoisinants, dans les cuisines d’Orly, par exemple, où il s’associe avec la lave bleue. Cette colorisation pourra être moins appréciée dans d’autres emplois, couverts de table par exemple, où on regrettera sa froideur visuelle. »

Esthétique industrielle n°55, la création architecturale et son orientation, p.15 , Mars - avril 1963.



MATIÈRES PLASTIQUES


Conditionnements

« On a pu noter, au Salon de l’Emballage et du Conditionnement, une importante évolution dans le conditionnement des liquides. Le verre, actuellement, est en train de céder une place de plus en plus vaste aux bouteilles plastiques. Plusieurs marques d’huile qui reçurent d’ailleurs les Oscars de l’Emballage au Salon de 1962, adoptent des bouteilles souples, incassables.
Ceci présente de nombreux avantages. Il n’y a plus de risque de blessures en cas de bris, plus de bouteilles lourdes à rapporter au fournisseur, plus de frais de consigne à calculer, puisqu’il s’agit d’emballages perdus.

Mais hélas, et c’est notre propos, leur étude esthétique reste à faire. Ces bouteilles ont en général des formes molles et lourdes, et leur élasticité même joue au détriment de la stabilité.

C’est certes une solution intéressante, mais qui requiert encore une mise au point, ne serait-ce que du point de vue résistance thermique : placées trop près d’une source de chaleur, d’un fourneau à gaz par exemple, elles se déforment et risque de se déchirer, ce qui représente un danger certain et la nécessité d’une nouvelle éducation de la ménagère. Les possibilités d’utilisation qu’apporte la matière plastique devraient inciter les producteurs à créer des conditionnements différents des « bouteilles » de verre, et qui lui soient propres.
Cette petite révolution présente plus d’intérêt pour l’huile de moteur automobile. Il n’y a plus alors à redouter le bruit du bidon métallique, la rouille désagréable et salissante. Pourquoi ne pas généraliser l’emploi de bidons gradués, en matière transparente, à niveau visible, comme certains fabricants le font déjà ? »

— Esthétique industrielle n°59, Activités internationales, p.85 , Janvier - février 1963.

La matière plastique formable sous vide

« La plus employée pour ses qualités de transparence et sa tenue dans le temps est l’Altuglas. Le Védril présente des caractéristiques similaires. On peut également traiter de la même façon des feuilles de polystyrène, Kralastic.

Comparable au verre sur le plan optique mais beaucoup moins fragile et plus léger, il peut être usiné pour donner des pièces aussi diverses que des hublots d’avion ou des lunettes.

Il peut également être moulé par injection, mais la mise en œuvre qui lui est la plus particulière est la formage sous vide. En effet la feuille chauffée peut être ainsi mise en forme au moyen d’un outillage très peu onéreux et ce procédé peut convenir à de nombreuses fabrications de série moyenne.
De nombreux créateurs prévoient l’utilisation de ce matériau soit transparent, soit dépoli, soit coloré dans la masse, pour des appareillages d’éclairage, des enseignes et même des appareils sanitaires qui sont moins froids au toucher que les appareils émaillés ou en porcelaine. Ce matériau renouvelle le vocabulaire des petites séries en permettant des formes souples qui s’affranchissent du parallélépipède en bois ou en tôle. »

Esthétique industrielle n°55, la création architecturale et son orientation, p.38 , Mars - avril 1963.

Le plastique stratifié

« Il s’agit ici surtout de polyester généralement armé de fibres de verre tissées ou non, qui se prête à des utilisations de grande série et semi-artisanales.
Grande série lorsque la feuille est emboutie pour la fabrication de baignoires par exemple avec l’outillage important que cela implique. Petite série lorsque le matériau est coulé à l’air libre sur des formes en métal et même en bois par des moyens très manuels.

La simplicité de ce dernier procédé de mise en œuvre a permis l’utilisation de stratifiés par nombre de petites entreprises soit pour des carters de locomotives électriques, de machines à cartes perforées, ou de machines-outils.

On apprécie la facilité d’obtenir des formes non géométriques qui seraient beaucoup plus coûteuses en tôle. Mais le matériau peut constituer la structure même d’une citerne routière, d’un bateau à voile ou à moteur, d’une caravane moyennant parfois des raidisseurs complémentaires qui sont souvent des pièces de bois, elles-mêmes enrobées de polyester.

L’imputrescibilité du matériau le rend précieux lorsque l’on doit craindre l’action de l’eau, mais ce matériau, translucide, est souvent peint pour améliorer sa présentation. Sa légèreté le fait préférer souvent aux métaux quand ce facteur joue un rôle : caravanes, téléphériques, automobiles (et même aviation) par exemple. »

Esthétique industrielle n°55, la création architecturale et son orientation, p.43 , Mars - avril 1963.

Les matières plastiques moulées

« Qu’ils soient thermodurcissables ou thermoplastiques, moulés par injection ou par compression, ces matériaux nombreux et divers constituent un ensemble que nous ne pourrons étudier de façon exhaustive. Du rang de produit de remplacement que les « plastiques » occupaient en 1930 encore, ces matières ont conquis une position propre et offrent aux fabrications de série une gamme de matériaux dont les caractéristiques s’améliorent continuellement : polystyrène, nylon, rilsan, etc.

Aussi les applications deviennent-elles plus complexes, nombre de pièces mécaniques moulées ne nécessitant plus d’usinage. Suivant la dureté, la résistance, la flexibilité, l’état de surface qu’une pièce doit présenter, suivant les températures qu’elle doit supporter, il est maintenant possible de sélectionner des matériaux bien adaptés à chaque usage. Et l’on obtient des pièces et donc des appareils de classe si on accepte de ne pas employer toujours la matière la moins chère existant sur le marché.

Si les matières plastiques ont encore mauvaise presse, c’est beaucoup parce qu’on ne traite pas le matériau comme il convient : outillages bâclés, matière de second choix.

Les gammes de teintes disponibles dans chaque matériau manquent d’étendue. Elles comportent souvent des coloris canailles inutilisables de sorte que le choix ne peut se porter effectivement que sur un très petit nombre de nuances standard. Le matériau est néanmoins prêt à d’excellents emplois dans la fabrication de série. »

Esthétique industrielle n°55, la création architecturale et son orientation, p.35 , Mars - avril 1963.

La plastification

« À côté de la galvanoplastie et des traitement électrolytiques, la plastification offre d’excellentes possibilités pour la protection des métaux et l’obtention de surfaces lisses et colorées. Les poudres de polyéthylène peuvent être appliquées au pistolet ou au trempé.

C’est le système du « lit fluide » que l’on utilise pour les poudres d’acétobutyrate de cellulose, sorte de brouillard de matière plastique en suspension dans l’air.

Pour le rilsan, le trempage de la pièce préalablement chauffée s’effectue directement dans la poudre. La projection au pistolet s’applique pour le traitement de grands ensembles, les autres procédés pour la production en grande série de petites pièces au relief compliqué. »

Esthétique industrielle n°55, la création architecturale et son orientation, p.43 , Mars - avril 1963.

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