Depuis 2006, Bordeaux a deux jardins botaniques.
Le premier au sein du Jardin Public dans le centre ville ; le deuxième sur la rive droite. Le petit nouveau, bien plus grand que l’ancien (4 ha), a donc cinq ans cette année et se porte plutôt bien. Conçu par Catherine Mosbach, il a été présenté au MOMA de New York en 2005 (exposition "Groundswell : Constructing the contemporary landscape") et a reçu le Prix européen du Paysage Rosa Barba en 2003. Les bâtiments de l’architecte Françoise-Hélène Jourda ont reçu le Prix du Bâtiment culturel en 2007-2008, notamment grâce à l’innovation que représentent les toits solaires des serres qui les rendent énergiquement autonomes.
On retrouve de prime abord (en "apparence") le caractère dessiné typique des projets de Mosbach, renforcé par la présence de ces mystérieux et sympathiques cailloux géants conçus par l’architecte. Formes et lignes marquées, plan et graphisme structurés, alors même qu’il s’agit d’un projet à très forte dominante végétale.
Mais l’innovation ne se situe pas là. Dans les jardins botaniques classiques, la classification est reine et les plantes sont toujours présentées par familles. C’est ici le travail sur le sens et le rôle du jardin botanique dans la ville contemporaine qui est à saluer. La rassurante présence de l’autre côté du fleuve du jardin botanique traditionnel dégage en quelque sorte celui-ci de la nécessité d’être exhaustif. C’est donc par des choix forts sur le contenu et le propos qu’il s’en distingue. Beaucoup de thèmes sont traités de manière fine et originale, tant dans le jardin que dans les bâtiments et les serres. Sont abordés savamment l’écologie, les manières de gérer les plantes et les paysages aujourd’hui, mais aussi bien sûr l’histoire des plantes et de la botanique, la médecine, l’alimentation, les insectes,… Le Jardin proprement dit est constitué de trois principales entités : un jardin des cultures (où sont présentées les plantes cultivées de part le monde), une galerie des milieux (où sont reconstitués artificiellement les sols et les écosystèmes de la région bordelaise), et un jardin aquatique.
Ce projet est hybride avant tout : sommes-nous dans un jardin public, un jardin botanique ou un jardin partagé ? Le statut d’espace public est clairement assumé. Le jardin est très ouvert, gratuit, doté de grandes surfaces libres donc capables d’accueillir le public et ses usages, et d’une série de petits espaces à la recette facile mais efficace : un espace libre, un banc et un arbre font un salon naturel. D’autre part, des parcelles de jardins partagés sont incluses dans le projet, et l’ensemble des productions de la partie "plantes cultivées" va à l’aide alimentaire. Les plantes changent, se déplacent même (et oui !), donc point ici de piquets et de noms latins gravés dans des plaques de métal mais seulement de petites étiquettes sous plastique, accrochées discrètement dans les plantes, accompagnées parfois de dessins d’enfants vous invitant à ne pas arracher leurs fraises et leurs choux.
Atypique, innovant et généreux, ce projet pose la question (et offre une réponse possible) de ce que peut être un jardin botanique d’aujourd’hui. Rares sont en effet les jardins botaniques contemporains dans nos vieilles villes européennes (et celui-ci fut, à sa livraison, le premier construit en France depuis 25 ans), les passions horticultrices des siècles précédents s’étant déjà chargées de les en doter richement.