Dialogue furtif entre design graphique et numérique
✷ Back Office #1 - Faire avec ✷
On ne peut que saluer la naissance en France d’une revue portant sur les relations entre design graphique et pratiques numériques, tant les acteurs des communautés associées peinent à trouver des lieux d’échange au sein du paysage éditorial francophone. Dans les pages de Strabic, on peut d’ailleurs déceler les prémisses de certaines contributions de ce premier numéro de Back Office : Anthony Masure critiquant les logiciels Adobe (2011) ou encore Nolwenn Maudet exhumant les travaux de la designer Muriel Cooper (2015). La revue Back Office arrive à point nommé pour célébrer l’invisible mais non moins omniprésente culture technique qui caractérise certaines pratiques du graphisme et de la typographie. Il est question des crayons et stylets du graphiste Étienne Robial, d’une critique culturelle des logiciels de PAO (Manon Bruet, Lev Manovich), du contexte technologique pesant sur l’économie typographique (Nicolas Taffin, Frank Adebiaye). Enfin une belle place est donnée à la généalogie des interfaces graphiques (Eric Schrijver, Nolwenn Maudet). Bien que de factures et de styles inégaux, les articles sont néanmoins courts et efficaces : la revue s’ouvre ainsi à une audience plus large que celles des habituels périodiques “geek” et des journaux de bibliophiles amoureux de reliures et d’empattements.
Back Office est le signe faible de l’arrivée en France des études matérialistes anglo-saxonnes portées sur les technologies numériques : software studies, platform studies, infrastructure studies, critical code studies, interface criticism, media archeology… La revue tente de faire dialoguer ces approches anglo-saxonnes relativement nouvelles avec une certaine philosophie française de la technique – via notamment la figure tutélaire du philosophe Pierre-Damien Huyghe dont Back Office reproduit un article et avec qui elle s’entretient longuement.. Un ambitieux travail de ligature qui, on l’espère, portera ses fruits critiques largement au-delà des frontières de l’Hexagone. L’engouement que connait actuellement Gilbert Simondon outre-Manche, une des références majeures de Pierre-Damien Huyghe d’ailleurs, est un bon présage.
Back Office, Design Graphique et pratiques numériques #1. Direction éditoriale : Kévin Donnot, Élise Gay, Anthony Masure. Design : E+K – Élise Gay & Kévin Donnot. Fork éditions et les éditions B42. Février 2017. 144 pages.
✷ Modes of Criticism #2 - Critique of Method ✷
Mené par le graphiste et auteur Francisco Laranjo, Modes of Criticism est un studio de design et un magazine dédié aux tentatives de critiques sociales et politiques menées par le biais du design graphique. Ce deuxième numéro, malheureusement déjà épuisé, est consacré aux méthodes de la critique. On y questionne notamment la difficile autorité du graphisme à faire entendre sa voix critique (Anne Bush), l’utilisation d’une méthode brechtienne de distanciation dans le design graphique (Peter Buwert) ou encore l’expérimentation de techniques issues du design spéculatif dans un contexte pédagogique (Noel Waite). On se réjouit de lire une revue entièrement écrite par des designers venus des quatre coins du monde : d’Edinburgh à Hawaï en passant par Amsterdam, Karachi et Melbourne. Le troisième numéro de la revue devrait sortir très prochainement : stay tuned !
Modes of Criticism #2 - Critique of Method. Édité et conçu par Francisco Laranjo. Mai 2016. 96 pages.
Imprimer l’anxiété numérique
✷ NXS #1 - Cyber Sensuality ✷
Une flopée hétéroclite de théoriciens, artistes et poètes s’expriment ici sur l’intimité que nous pouvons entretenir avec les machines. En découle un flux sauvage de graphisme gothique et d’intuitions anxieuses. On pourra se demander si, au niveau du ton et des contenus, la focalisation sur les dichotomies “réel vs virtuel”, “connecté vs non-connecté”, “matériel vs immatériel” est encore pertinente tant se rejouent là, dans ces oppositions arbitraires, de vieilles guerres de définitions (digital, virtual, cyber, computational, post-digital, post-media…). La revue propose de s’immerger dans le grand bain du digital folklore, avec ses fantasmes politiques, son érotisme et sa nostalgie si tenace.
NXS #1 - Cyber Sensuality - Edité par Goys&Birls. 2017. 64 pages.
✷ Creative Review - Artificial Intelligence ✷
Autre numéro centré sur l’anxiété provoquée par les technologies numériques : Creative Review se penche sur l’automatisation des métiers créatifs. Robot-designer, écriture automatique, data-driven design, chatbot, internet des objets, régulation de l’intelligence artificielle : tout y passe ! Outre ce dossier thématique, on peut aussi lire dans ce volume une interview avec le designer Nelly Ben Hayoun, directeur de la curieuse University of the Underground.
Creative Review - Artificial Intelligence - Avril 2017.
✷ Document File Format #1 - Virtual Exploitations ✷
Une publication informelle éditée par le centre d’art milanais Macao. Nick Srnicek, théoricien anglais, aborde le capitalisme des plateformes numériques, auquel il vient de dédier un livre, pendant que l’artiste Leonardo Ruvolo développe ce même sujet dans un essai aux accents néo-marxistes. Le tout est relevé par un échange de mails avec l’artiste Mathew Dryhurst à propos d’un projet de magazine jamais imprimé. Le volume se termine avec un texte du cofondateur du centre Macao revenant sur les ambitions socio-politiques ayant présidé à la création de ce lieu.
Document File Format Issue #1 - Virtual Exploitation. Directeur de la rédaction : Leonardo Ruvolo. Contributeurs : Emanuele Braga, Mathew Dryhurst, Leonardo Ruvolo, et Nick Srnicek. Éditeur : Macao, New Centre for Arts, Culture and Research. Design : Majikanar. Mai 2017.