Les architectes au mini-golf

Écrit et illustré par Fanny Desmarais, à l’École Supérieure d’Art des Pyrénées.

Activité de plein air comme d’intérieur, divertissement familial, discipline sportive, jeu d’adresse ; mais aussi composition artistique ou architecturale, le golf miniature revêt bien des casquettes...

Le mini-golf, petit frère du golf, est devenu peu après son lancement dans les années 1920 un sport très apprécié aux États-Unis. Il a su séduire aussi bien les familles aisées que les classes populaires. Son accessibilité, son aspect modulable et sa capacité à s’adapter à l’environnement ont éveillé l’intérêt d’artistes et architectes à partir des années 1980. Ceux-ci ont tenté à leur manière de s’approprier ce jeu grand public. Un certain nombre de projets récents interrogent les interactions entre l’usager et le jeu, le matériau et l’espace, le ludique et l’esthétique.

PNG - 860.1 ko

Exposition Mini-golf au National Building Museum, Washington

Durant l’été 2012, le National Building Museum de Washington, important musée de design, d’architecture et d’urbanisme, a organisé une exposition consacrée au golf miniature. Ou plutôt, au lien qu’entretient ce jeu grand public avec l’architecture. Des architectes, paysagistes, designers, professionnels de l’industrie et de la construction se sont vus proposer la réalisation de parcours sur le thème « construire l’avenir ». Sur les douze trous présentés au public, quatre retiennent tout particulièrement l’attention :

Le premier parcours titré Take back the streets ! a été réalisé par des étudiants de la Virginia Tech Washington-Alexandria Architecture Center et présenté par l’American Society of Landscape Architects. L’objet est construit comme un segment de rue miniature. Le paysage apparaît très détaillé : une attention certaine est portée au choix des différents matériaux, les routes sont dessinées dans un souci de réalisme, les véhicules, immeubles et piétons sont minutieusement découpés dans le bois au laser. La maquette est également dotée d’un système d’écoulement d’eau factice. Les rigoles ainsi créées apparaissent comme autant de pièges disposés à l’intention des joueurs.

Le parcours suivant, Ball on the Mall est réalisé par le E/L Studio, constitué d’architectes. Celui-ci est conçu comme une cartographie en relief du National Mall, parc emblématique du centre de Washington, entouré de nombreux monuments et musées. Les joueurs sont invités à faire naviguer la balle à travers les fines rainures qui composent la carte. La finesse apparente de la pièce invite les joueurs à manier leur club avec délicatesse et habileté.

Le projet Hole in 1s and 0s du studio Grizform Design se montre plus abstrait que ses prédécesseurs. Le parcours, dont le nom évoque le codage binaire, est censé représenter le fonctionnement interne des tablettes numériques et de téléphones comme les smartphones. Composé en bois stratifié découpé au laser, il est constitué de plusieurs rampes et embranchements aux formes ondulées et éclairées par des lampes aux fils apparents. La structure inclinée incite les golfeurs à être précis dans leurs mouvements et dans le choix de la trajectoire empruntée par leur balle.

Enfin, la firme d’architecture SOM (Skidmore, Owings & Merrill) a proposé son projet Confluence. Assemblé avec de fins tasseaux de bois, le parcours se présente comme une topographie de la rivière Anacostia, qui rejoint le fleuve Potomac à Washington, DC. Ce relief particulier est parfois rehaussé, à l’endroit où l’eau devrait être présente, par une lumière bleutée apparaissant au travers des baguettes en bois.

PNG - 555.9 ko

Exposition Walker on the green au Minneapolis Sculpture Garden

Une autre exposition célébrant le jeu du mini-golf a également été organisée en 2013 par le Walker Art Center, à l’occasion des 25 ans du Minneapolis Sculpture Garden. Celle-ci, quelque peu différente de celle du National Building Museum, a réuni différents profils pour la création des parcours : artistes, architectes, designers, étudiants, mais aussi simples passionnés du golf miniature. Les constructions proposées sont souvent plus décoratives que réellement pensées comme des pièces architecturales ou artistiques. Néanmoins certaines pièces sortent véritablement du lot.

L’un des projets, intitulé Garden Globe Foosball (par Nicola Carpenter, Susanne Dehnhard Carpenter et Bryan Carpenter) propose un croisement entre le mini-golf et un autre jeu de balle : le baby-foot. Le joueur, auparavant engagé dans une partie solitaire, a dorénavant la possibilité de jouer contre un adversaire, ou avec un partenaire. Afin d’accentuer l’aspect cocasse de l’assemblage, les artistes ont remplacé les traditionnelles figurines de footballeurs accrochés sur les barres par des nains de jardin.

Une deuxième pièce, Gopher Hole, réalisée par le studio Locus Architecture, intègre des données autres que la seule habileté du golfeur, comme le hasard et la gravité. L’ensemble se compose d’un tuyau dans lequel il faut propulser la balle, d’une sorte de « puit gravitationnel » et d’autres obstacles.

PNG - 372.7 ko

Golf, par Ollie Willis

Le travail de ce graphiste et typographe londonien prouve à quel point des liens étonnants peuvent se créer entre ce jeu populaire et les questionnements liés au design. Ollie Willis établit un parallèle entre sa pratique de dessinateur de caractère et le golf : les deux exigent selon lui patience et précision et évoquent les mêmes sentiments de frustration mais néanmoins d’accomplissement. Son projet, à ce jour encore en cours d’élaboration, est de réaliser 26 trous correspondant aux 26 lettres de l’alphabet, dans une police de caractères sans empattement qu’il a lui-même dessinée. La structure de chaque pièce est assez classique : un gazon synthétique vert et lumineux surmonté d’un montant en bois. La première lettre ayant vu le jour est le « g », qui apparaît comme la forme la plus complexe.

PNG - 203 ko

Mini-golf La Bolleur

À l’occasion de la Milan Design Week en 2009, le collectif multidisciplinaire hollandais La Bolleur, a investi les lieux avec un mini-golf de leur fabrication. Habitué à s’impliquer dans des projets ludiques, de récupération, de réappropriation et de transformation d’espaces, La Bolleur présente ici une succession de parcours simples, mais conçus et disposés de manière harmonieuse et homogène. Certains, construits avec des tasseaux de bois et des plaques de mélaminé, rappellent les structures des montagnes russes.

PNG - 127.4 ko

Paul Cox, Uncle Toby’s Bowling-Green

Ce dernier projet n’est pas un golf miniature, mais s’apparente au boulingrin, un autre jeu de boules d’origine anglaise ressemblant à la pétanque. Réalisé à l’occasion du 19e Festival International de l’Affiche de Chaumont en 2008, il a occupé l’espace de la chapelle des Jésuites, lieu singulier par son architecture baroque. Paul Cox a choisi de matérialiser, au centre de la chapelle, un plateau de 13 mètres sur 10. La surface, de couleur verte, est composée comme un paysage fait de vallées, de creux, de tracés cartographiques, de chiffres. Le plateau est percé de plusieurs trous, que doivent atteindre les boules mises à disposition des visiteurs. Ici, les thèmes de l’architecture, du paysage et de la cartographie sont rejoints par la volonté de faire participer activement et de manière ludique les spectateurs.

tweet partager sur Facebook


Vous aimerez aussi :