Une nouvelle lettre de « rouspétance » d’Ernestine Chassebœuf.
Ernestine Chassebœuf,
Coutures, le 20 février an deux mille deux
49320 - Coutures
dans le Maine-et-Loire
à Monsieur Zylberstein du 10-18
"Monsieur,
Je ne suis pas contente après vous. Vous allez sans doute me faire fâcher avec Jules Mougin, mon voisin le poète. Il m’a prêté un livre de chez vous, c’est les lettres de Paul Léautaud, le tome 1. C’est parce qu’il sait que je suis un peu épistolière moi aussi, il m’a dit d’en prendre de la graine, que ça peut faire du bien à mon style, je me demande comment je dois prendre ça. Mais c’est pas pour parler des voisins que je vous écris, c’est à cause de la fabrication de votre livre. C’est imprimé trop serré, jusqu’au ras du pli, comment voulez-vous qu’on lise le milieu. Avec mon arthrose aux mains, j’ai pas assez de force pour l’écraser.
J’ai essayé en appuyant avec les pieds, j’avais mis un journal pour pas salir, mais quand j’ai regardé, il était à moitié cassé en deux. Quand vous saurez que Jules est assez maniaque avec ses livres, vous comprendrez que je suis bien embarrassée pour le rendre surtout que je l’ai un peu réparé avec de la colle à bois, mais maintenant on peut plus l’ouvrir du tout, et c’est dommage.
Alors faudrait nous faire des livres de poche comme les premiers que j’ai achetés en 1953. C’était Pierre Benoit, on les achetait au bureau de tabac, c’était pas serré comme les vôtres, même maintenant je peux les relire sans lunettes. Alors prenez-en de la graine vous aussi, faites nous des livres plus larges, 12 de large au moins, mais moins de 14, sinon ça ferait 14-18 et ça confuserait, à cause de la guerre.
Pensez à tout ça, c’est important pour la culture et j’espère que ma lettre vous trouvera de même,
Ernestine Chassebœuf, retraitée."
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Une autre lettre d’Ernestine traitant entre autre de colle de poisson ...