Nouvelles de la Villeneuve
Photographies de Lionel Catelan

Auteur des photographies et des légendes : © Lionel Catelan.

Ces photographies de Lionel Catelan sont issues de Grenoble, un modernisme olympique, un projet documentaire consacré aux constructions entreprises pendant les Jeux Olympiques d’hiver de Grenoble en 1968. Initiée en 2010, poursuivie en 2013 à la résidence Présence Barrée à Grenoble, cette série met plus précisément l’accent sur le quartier de la Villeneuve réalisé, entre 1963 et 1973, par l’Atelier d’Urbanisme et d’Architecture (AUA) qui fait actuellement l’objet d’une importante rétrospective à la Cité de l’Architecture, à Paris. Balade de la Place des Géants à l’Arlequin en slalomant entre de fameux lampadaires quadrichromatiques.

Maquettes de la Cité de l’Arlequin (La Villeneuve) dont le chantier débute en 1963. Les architectes en chef sont Georges Loiseau et Jean Tribel, associés aux architectes-urbanistes Henri Ciriani, Borja Huidobro et Jean-François Parent et au paysagiste Michel Corajoud, de l’Atelier d’Urbanisme et d’architecture (AUA).

Images issues du documentaire La forme de la ville d’Éric Rohmer, 1975.


Prise de vue à l’intérieur du quartier de l’Arlequin.

Les barres d’habitation sont construites autour du parc paysager « Jean Verlhac » (20 ha), dessiné par Michel Corajoud entre 1970-1971, finalisé en 1974.

Vue de l’École nationale supérieure d’architecture, achevée en 1976. Architecte : Roland Simounet.

Des structures en béton, initialement prévues comme supports pour de la signalétique, demeurent aujourd’hui étrangement muettes. Une esthétique fonctionnaliste devenant esthétique de la ruine moderne. Témoin d’une idée architecturale, sa survie ne semble dépendre que de son oubli dans le paysage du quotidien. Remarquons-nous encore la présence de ces formes figées, déchues de leurs fonctions ?

Ces coursives relient au même plan tous les bâtiments et passages entrant et sortant de la cité. L’architecture s’adapte ici au relief du terrain. Les sorties du quartier se retrouvent aériennes, séparées des zones de circulation automobile.

La coursive au niveau zéro peut être suivie sans discontinuité, traversant toutes les parties de la cité. La couleur utilisée généreusement dans la signalétique séquence les unités d’habitation et apporte de la vie et du rythme à l’esthétique fonctionnelle et brutaliste pratiquée par l’AUA.

Des typographies géantes, n’ont survécu que quelques discrets numéros. Les aplats de couleur sont heureusement toujours reconduits pour ce bien nommé quartier de l’Arlequin.



Au centre du quartier, le collège Lucie Aubrac construit dans les années 2000.

Le parc paysager dessiné par Michel Corajoud intègre un « jeu » de buttes qui une fois gravies donne une vision de l’intégration parfaite du parc et des unités d’habitation, dont les hauteurs se superposent en perspectives de plans de profondeurs parfaitement maîtrisées. La vue centrale qu’offre le parc donne ainsi à voir les buttes et la végétation en premier plan, le dessin des barres s’affirme comme celui de collines de second plan, qui semblent à leur tour être construites à une hauteur suffisante pour ne pas gêner la vue des chaînes de montagnes entourant Grenoble (Belledonne, Chartreuse, Vercors). Le parc se veut donc paysager en ce sens qu’il est une construction de points de vue dessinant une représentation de son environnement d’implantation offrant une cohabitation harmonieuse.


Vues d’une butte, les « Résidences 2000 ». Au fond, la hauteur des habitations reprend la courbe des montagnes (du massif de Belledonne) sans en gêner la vision.

Parmi les sculptures et le mobilier urbain, on retrouve des bancs dessinés initialement, toujours présents. Mais les plus intéressants sont ces poteaux d’éclairages quadrichromatiques. Seulement deux de ceux-ci (en 2013) sont encore debout, mais l’artiste Dominique Gonzalez-Foerster a décidé de rendre hommage à ce mobilier en en faisant installer un dans son jardin de sculptures « Le jardin des dragons et des coquelicots » pour le 1% artistique attribué à la rénovation de la Maison de la culture de Grenoble (construite en 1965 par André Wogenscky).

Cinq groupes scolaires de primaire et maternelle dessinés par l’AUA sont toujours actifs. Ils s’associent à un ensemble de lieux de service et de culture au sein même du quartier (bibliothèque, salle de spectacle, gymnase, piscine, centre social, centre de santé, etc.). Si la plupart de ces salles sont encore actives, les quelques emplacement prévus pour des commerces de proximité (principalement) sont aujourd’hui fermés et témoignent d’une certaine difficulté à s’implanter dans le quartier.



Quelques zones sur dalle au-dessus des parkings couverts construits à l’abord de la cité n’ont plus été entretenues. Un mal pour un bien car les habitants ont fini, de leur propre initiative, par se réapproprier ces friches urbaines pour en faire depuis quelques années des jardins collectifs. Comme un signe de renouveau de l’esprit initialement utopique et avant-gardiste de la vie sociale habitant à l’origine ces villes nouvelles.




À l’est dans le quartier des Balladins : la Place des géants. Ce quartier vient compléter La Villeneuve en 1976. L’artiste Klaus Schultze intervient ici par la construction de ces géants de briques.


À l’extérieur de la Villeneuve (avant l’entrée du Village Olympique), la déchetterie. Jusqu’en 2012, sur l’ensemble de la Villeneuve, les déchets étaient collectés par un incroyable système de collecte pneumatique. Tout un réseau de tuyaux hermétiques permettaient l’aspiration des déchets par dépression, les centralisant pour les traiter à l’extérieur sans nuisance ni sonore ni olfactive, mais désavantageusement coûteux.

Depuis 2012, ce système est abandonné pour laisser place à des bacs à déchets enterrés aux abords des barres à l’intérieur de la cité, créant un système de routes ouvrant pour la première fois La Villeneuve à un système routier, laissant place au ballet des camions-bennes. Mais sous l’ordure se cache un cheval de Troie policier, dont la circulation plus aisée permettra la mise en place d’un système de contrôle sécuritaire.

Une balafre de plus au projet architectural initial, saboté tour à tour par la succession des gestions municipales calamiteuses (brisant notamment la bonne distribution sociale des logements par un déséquilibre entre espaces privés et espaces publics) ne permettant jamais d’offrir la finalité et l’entretien nécessaire pour achever un geste architectural qui, depuis le début, était utopiquement attendus par des habitants désirant à aspirer à une vie nouvelle dans une ville nouvelle.

À l’ouest, une ouverture sur le quartier du Village Olympique. (Architecte en chef : Maurice Novarina, 1965)

Images = © Lionel Catelan

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